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Le sens des mots, le poids du jeu

Michel Caspary in 24heures du 2 mai 2005

PORTRAIT
Après le récent succès de Bash au Pulloff, le Théâtre Claque (Lausanne) reprend Bleu/orange et parcourt la Suisse romande.

Deux des seize productions du Théâtre Claque (Lausanne) figurent au top 5 des spectacles les plus joués en Suisse romande: Bouches décousues , de la Québécoise Jasmine Dubé, en 1989 (356 représentations, 110 000 spectateurs!), plutôt jeune public, et Les monologues du vagin de l'Américaine Eve Ensler, en 2000 (125 représentations, 12 000 spectateurs), carrément pour adultes. Le premier a un peu vite catalogué Antoinette Monod et Geoffrey Dyson dans un registre pour enfants et ados; le second les a «boosté » auprès des amateurs de théâtre. Entre les deux se situent, cependant, un autre événement, Kvetch , de l'Australien Steven Berkoff, souvent joué et repris, depuis 1994, entre Paris (La Colline), Bruxelles, Avignon et Lausanne. Longtemps nomade, le Théâtre Claque a enfin trouvé un lieu: le Pulloff, dans la capitale vaudoise, qu'il partage avec d'autres compagnies. «Un lieu idéal: pas trop grand, avec un public curieux, il offre une grande liberté pour l'expérimentation», se réjouit Dyson.

C'est là que vient de se terminer Bash , articulé autour de trois textes de l'auteur mormon Neil LaBute. Les deux solos, en particulier, étaient saisissants, portés à incandescence soit par Yannick Merlin soit par Virginie Meisterhans. C'est au Pulloff aussi que fut créé Bleu/orange , de Joe Penhall, qui part dès demain en tournée romande (lire encadré) . La plupart des compagnies indépendantes romandes ont pour base un metteur en scène associé à un dramaturge, à un scénographe, à une équipe technique et/ou à une petite troupe. Le duo du Théâtre Claque est assez original. Il se compose d'un comédien devenu metteur en scène (et qui reste comédien en parallèle), Geoffrey Dyson, et d'une ancienne enseignante devenue traductrice, Antoinette Monod. Ce couple en coulisses (mais pas à la ville) s'est rencontré il y a vingt ans lorsque le premier cherchait quelqu'un pour l'aider à traduire Berkoff. La femme de Dyson connaissait Antoinette. Leurs atomes se sont bien accrochés: tous deux sont sensibles à la qualité des auteurs anglo-saxons, à leur façon de mêler théâtre et réalité sociale. Ils aiment aussi le poids des mots - plus que le choc des images. «Nous fonctionnons à la conviction, mais aussi à l'instinct.» Travailler les phrases, aiguiser leur(s) sens: du travail minutieux, d'artisan. «J'ai pris goût à ça», glisse la traductrice qui partage vol ontiers l'avis de Dyson pour qui la glorification du metteur en scène est souvent exagérée.

«Derrière» le théâtre

Du reste, leurs premiers spectacles ont été mis en scène par d'autres: Serge Martin pour Bouches décousues , Denis Maillefer pour Pas de problèmes , Bernard Damien pour Tanzi et Démons , et Jean-Pierre Brisa pour Kvetch . Antoinette et Geoffrey ont ensuite mis la main à la pâte en commun, puis le second tout seul. La première a toujours été claire: «Je n’ai jamais voulu être comédienne ni auteure. C'est Jean Monod ( réd.: qui fut son mari ) qui m'a montré le côté passionnant des professions «derrière» le théâtre.» Autres expériences: celle de la coopérative du Théâtre des habitants, avec Jacques Roman, ou de la mise en place des tournées pour les spectacles coproduits entre Vidy et le Schauspielhaus de Zurich.

Mais que faisait l'Australien Dyson à Paris l'année de ses 20 ans?: «J'ai quitté mon pays sac au dos; je voulais aller à Londres. Mon frère habitait la Ville lumière, j'y suis resté.» Il découvre le théâtre, Ariane Mnouchkine, les Mummenschanz, et s'embarque aux cours Lecoq. Sa volée comprend, par exemple, Yasmina Reza et Geoffrey Rush. Le voici ensuite à Lausanne et à Genève: il participe à la création de Kléber-Méleau, travaille avec Gérard Bétant, aux Trois Coups, avec François Silvant, au Mobile, à Boulimie ou avec Philippe Cohen.

«Je me suis branché sur l'exposition de l'écriture théâtrale australienne au début des années nonante. Des cinéastes comme Peter Weir ont également aidé à leur rayonnement.» L'exportation, elle, n'est pas toujours aisée: «Sans la Loterie Romande, par exemple, nous n'aurions jamais pu exister.» Aurait-il un chouchou dans leur répertoire? «Peut-être Décadence ( r éd.: créé au Festival de la Cité en 2001, avec Nathalie Boulin et Mauro Bellucci ), avouent Geoffrey et Antoinette. On pourrait le reprendre sans arrêt, avec d'autres acteurs aussi, comme Yvette Théraulaz, Philippe Morand ou Jacques Michel.»


Michel Caspary in 24heures du 2 mai 2005