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Sous les feux de la création


Michel Caspary in 24heures du 8 avril 2004

Le Théâtre du Projecteur fête ses 20 ans. Son fondateur, Jean-Gabriel Chobaz, met en scène au Pull Off, à Lausanne, une âpre pièce de l’Américain Sam Shepard, L’Ouest, c’est ça.

« Les feux du Théâtre du Projecteur ne sont pas près de s’éteindre », écrivait un collègue il y a vingt ans. Il avait vu juste. Deux décennies plus tard, la petite entreprise de Jean-Gabriel Chobaz brille encore et toujours. Aux côtés des compagnies de Geoffrey Dyson et du duo Anne Vouilloz/ Joseph E. Voeffray, elle s’est installée il y a peu dans les locaux du Pull Off Théâtres, à deux pas du Théâtre 2.21 et de ses deux salles. Sur moins de cent mètres, ce sont donc trois espaces qui sont désormais dévolus à la création théâtrale. C’est dans ce Pull Off, aménagé étape par étape (et tout bientôt équipé de toilettes à l’étage), que Jean-Gabriel Chobaz monte sa nouvelle production, L’Ouest, c’est ça, de Sam Shepard, à voir dès le 16 avril.

Père hôtelier, mère au foyer: rien ne prédisposait Jean-Gabriel Chobaz à se lancer dans le monde du spectacle. Il avait des velléités de peinture; c’est finalement le théâtre qui lui fait les yeux les plus doux. Son apprentissage passe par le Théâtre des Jeunes d’Orbe. Il joue, mais se fait vite les dents côté mise en scène. La première date du tout début des années quatre-vingt, à Genève. Celle d’Agatha, à Vidy, en 1984, marque la naissance de sa compagnie. A cette époque, les troupes indépendantes ne sont pas encore légion en Pays de Vaud. Obtenir des fonds de la part des autorités cantonales, en revanche, s’avère déjà difficile. La ville de Lausanne, elle, se montre d’emblée accueillante. Ça bourgeonne et l’arrosage communal, en matière de subventions, même modestes, permet à nombre de jeunes talents d’essayer tous les tremplins possibles.

Jean-Gabriel Chobaz a déposé son baluchon de saltimbanque en de multiples endroits, des plus petits (Palud 1 ou le Vide-Poche) aux plus grands (Octogone ou Beausobre), à l’intérieur ou en semi-plein air (l’arche du pont Bessières). Brassage de genres aussi, du drame à la comédie musicale, en passant par la mise en espace de tour de chant. Ainsi celui de la jeune chanteuse romande Jyaleen, le 6 mai à Beausobre. « S’ouvrir au monde, c’est s’ouvrir aux arts. » Lui demander quel est son spectacle préféré, son chouchou, l’oblige à égrener tout son CV. Stop! Le moins bon souvenir, alors? Longue attente... Eventuellement Les bonnes, de Jean Genet. « Parfois l’alchimie ne fonctionne pas. Il y avait, je pense, un manque de confiance réciproque entre les comédiens et moi. » Or, c’est cela qu’il recherche à créer avant tout pendant les répétitions: un climat de confiance. « J’aime travailler très près avec les acteurs. » Du corps à corps pour mieux traquer la vérité et faire rayonner les âmes.

Il y a des thèmes récurrents dans le répertoire de Chobaz. Comme les conflits familiaux, entre frère et sœur ou entre parents et enfants; les rapports entre la famille et la société: « C’est cela qui nous construit dès l’enfance. » Autre volonté: parler des exclus, des paumés. D’où son intérêt pour des auteurs comme Shepard, Horovitz ou Fassbinder. S’en aller nu et solitaire chercher la beauté sur la Terre, c’est bien joli, mais parfois, il fait rudement froid et ça ne rapporte pas une thune. Dans ces conditions, trouver sa place dans le monde n’est pas tout simple. Solitaire, Chobaz? Non, mais indépendant, avec son lot de batailles: « Rien n’est jamais acquis. Année après année, succès ou pas, c’est la même galère pour trouver des solutions financières. » Pas d’amertume pour autant, ni de découragement: « J’en veux — mais pas à quelqu’un... » Rendez-vous en 2024!



Michel Caspary in 24heures du 8 avril 2004