2x2 couples (Urfaust)

de Johann Wolfgang Goethe
par le Théâtre L.
mise en scène de Denise Carla Haas
du 21 avril au 10 mai 2009
jeu : Jo Boegli, Sylviane Röösli, Jacques Maitre & Frank Semelet
musicien sur scène : Nicolas Bonstein

adaptation et mise en scène : Denise Carla Haas
scénographie et construction : Adrien Moretti
costumes : Tania D'Ambrogio
lumière : Hans Meier
musique : Nicolas Bonstein
régie et technique : Luc-Etienne Gersbach
peintre en décor : Yangalie Besson
assistante technique : Virginie Quenet
collaboration dramaturgique : Elias Schafroth
photographies de presse et du spectacle : Matthieu Gafsou
administration et communication : Line Lanthemann

Durant la saison 2008/2009, Le Théâtre L. fête le dixième anniversaire de son existence et de son activité de création.

Pour fêter notre dixième anniversaire, nous prenons pour point de départ de notre projet 2x2 Couples (Urfaust) la première esquisse d’un texte clé de la littérature classique allemande, Urfaust de Johann Wolfgang Goethe (1749-1832). Comparée à la version finale, à laquelle Goethe avait travaillé durant toute sa vie, elle est plus fragmentaire, mais contient les scènes principales de l’intrigue, sans pour autant les lier par une causalité explicative. Le texte est un fragment, analogue à celui de Woyzeck de Georg Büchner, et laisse une grande liberté de comment raconter l’histoire.

Le texte a, comme celui du Tueur et de Rapport à une Académie, comme thème clé la perte de l’identité, cycle thématique que nous clôturerons avec ce projet. La perte de l’identité amène une identité nouvelle. Faust de Johann Wolfgang Goethe a une connaissance théorique qui ne le satisfait plus. Il est alchimiste philosophe, scientifique, mais trop vieux pour vivre l’amour ou le plaisir de la chair. C’est la raison pour laquelle il accepte les services d’un serviteur apparemment galant, au fond pourtant diabolique, Méphistophélès, et lui accorde en échange de le servir après sa mort, pari que Méphistophélès accepte volontiers, scène qui est pourtant omise dans la première version. Elle est sous-entendue, mais elle n’y figure pas textuellement.

Faust, afin de vivre une expérience pour laquelle il n’a tout simplement pas le courage, se fie à Méphistophélès. Celui-ci lui présentera une femme, Marguerite. Bien sûr, Faust la veut, en tombe même amoureux, l’utilise sans en être conscient et sans le vouloir, car il sera le créateur de son désastre et l’abandonnera faute de ne pouvoir la convaincre de le suivre. Faust se donne entièrement à Marguerite et à l’amour qui le surprend. S’il n’avait pas accepté les services de Méphistophélès, peut-être continuerait-il à l’aimer ?

Le pari rend l’amour impossible. Conclu pour permettre à Faust de faire connaissance des répercussions de la chair, il n’obéit qu’au désir sexuel auquel il succombe, et ceci malgré les vrais sentiments qu’il développe pour Marguerite. Il ne sera pas capable de l’aider. Cette confusion entre chair et amour, entre immédiateté et éternité sera fatale pour Marguerite qui croit trouver en son Heinrich l’homme de sa vie. Contrairement aux espérances de Faust, il développe des sentiments sincères pour elle, bien que leur compréhension du monde soit contradictoire. Elle, pour essayer de se sauver, ne fait qu’accumuler les malheurs qui semblent dès cette rencontre la poursuivre: elle tue par mégarde sa mère, elle tue son enfant pour ne pas être seule avec un enfant et pour ne pas attirer sur elle la honte sociale, et une fois découverte, elle est emprisonnée et condamnée. Bien que Faust tente de la libérer de la prison, elle ne le suit pas. Devenue folle, elle entend toujours les cris de son enfant qui est en train d’être noyé (par elle) et quand il veut l’embrasser, elle voit sur les mains de Faust le sang de l’enfant mort qui les souille. Comme Lady Macbeth, elle se plie à son propre jugement, la folie qui la gagne.

Quant à Faust, il voudrait la sauver, mais il ne le peut pas. Cette volonté n’est pas aidée par celle de Méphistophélès qui dit ne pas avoir d’emprise sur cette "âme pure" et sans son aide, il n’arrive pas à convaincre Marguerite.

Ce texte pose avec le personnage de Faust les thèmes de la "midlife-crisis" et du désir de l'immédiateté sexuelle, de l'homme au milieu de sa vie qui rebondit dans la chair, de l'illusion qu'une sexualité assouvit les désirs, mais au fond, ne fait qu'agrandir sa faim, d'un Méphistophélès qui drague Marthe afin de faciliter à Faust la conquête de Marguerite, d'une Marthe qui se console volontiers de la mort de son mari avec ce beau voyageur et l'aide avec ses charmes à gagner la confiance de Marguerite, à l'opposition d'une Marguerite, qui voudrait trouver l'homme qu'elle aime et qui l'aime, prête à l'attendre, et une fois venu, à tout lui donner, même sa vie.

La quête de Marguerite finit dans un quatuor charnel où elle joue malgré elle l'aimant. Exotique, jeune et vieille en même temps, elle fascine Faust au-delà de sa féminité, par une intégrité corporelle qui le séduit plus que tout autre chose. Autant Faust ne pourrait pas agir sans Méphistophélès, autant Marguerite ne serait accessible aux hommes sans l'entremetteuse Marthe qui se charge de l'exposer. Et vice versa, Méphistophélès s'occupe ensuite de dévier l'attention de Marthe, pour que Faust puisse manigancer avec Marguerite. Et peut-être que Méphistophélès s'est donné beaucoup de peine à faire passer Marguerite juste devant les yeux de Faust que ce qu'il n'avoue, pour que ce dernier puisse la voir et peut-être Marthe aimerait beaucoup mieux passer quelques heures dans les bras de l'homme mûr, Faust, que de se contenter du jeune beau, mais quelque peu superficiel.